Décidément cette année 2018 est riche en évènements tous aussi stressants les uns que les autres. On peut se tromper dur que le Brexit, l’avènement de l’administration Trump, la défaite de Daesh et la récupération de ses territoires par l’Etat et le peuple syrien, notamment avec le feuilleton de la Ghouta que les Occidentaux ont tenté à tout prix de maintenir, sont autant de signes avant-coureurs d’un ensauvagement du monde Cependant, l’imminence d’un clash ne s’est jamais autant affermi qu’avec l’affaire de l’espion russe. Une excellente syntèse est présentée dans la contribution suivante:
«L’affaire Skripal, dont les répercussions politiques internationales sont très importantes, semble poser aux enquêteurs, aux politiques, aux médias et aux opinions publiques un certain nombre de questions auxquelles les réponses apportées jusqu’à présent ne sont pas totalement satisfaisantes. (…) Le 4 mars 2018 Sergueï Skripal, 66 ans, un ancien colonel des services de renseignement militaires russes, ainsi que sa fille, ont été retrouvés inconscients aux abords d’un centre commercial de Salisbury, au Royaume-Uni. Recruté comme agent double par les services britanniques en 1995 et condamné en Russie à 13 ans de prison pour trahison en 2004, M. Skripal a obtenu l’asile au Royaume-Uni en 2010 après un échange d’agents de renseignement entre la Russie et les États-Unis. Selon les enquêteurs britanniques, il s’agirait d’un empoisonnement au gaz Novitchok. L’existence d’un tel produit a été rendue publique par le témoignage dans les années 1990 d’un seul dissident russe, Vil Mirzayanov (83 ans aujourd’hui), chimiste militaire. Les révélations de Mirzayanov n’ont jamais été confirmées par aucune source indépendante, ni par aucun autre dissident. Mieux, l’Organisation onusienne pour l’interdiction des armes chimiques (Oiac) conclut dans un rapport de 2013 d’un comité scientifique comprenant des représentants US, UK, France, Russie et Allemagne qu’«elle n’a pas d’information suffisante pour se prononcer sur l’existence et les propriétés du «Novitchok»».(1)
Quelles conséquences faut-il attendre de cette farce politico-médiatique?
«En 2016, le docteur Robin Black, chef du seul laboratoire de détection britannique d’arme chimique de Porton écrit dans une publication scientifique (Royal Society of Chemistry): «Les indices de l’existence éventuelle d’un tel produit sont quasi-inexistants et sa composition reste inconnue. (Robin Black. (2016) Development, Historical Use and Properties of Chemical Warfare Agents.) (…) Avec le soutien instantané et quasi unanime des médias, les politiques britanniques n’ont pas tardé à désigner la Russie comme responsable de cette «attaque contre le Royaume-Uni» et ont expulsé 23 diplomates russes. Ils ont toutefois rechigné à fournir un échantillon du produit identifié à l’Oiac et refusé bien sûr, de le fournir à la Russie, qui proposait son aide aux enquêteurs britanniques. Pourquoi donc ces cachotteries? L’hystérie politico-médiatique immédiate fait étrangement penser à l’ «orchestration» de l’affaire des armes de destruction massive de Saddam Hussein de 2003, mais pas que… Une hystérie semblable avait régné pendant six semaines lors de l’affaire de Timisoara (Roumanie) en 1989, lors de l’affaire des couveuses dont les méchants soldats de Saddam arrachaient les nourrissons en 1990, lors de l’affaire des gaz de la Ghoutha en 2013. Toutes ces affaires ont été reconnues, a posteriori, comme des mensonges destinés à fournir des prétextes (faux évidemment) pour s’ingérer militairement dans les affaires d’un Etat et en faire tomber le gouvernement.» (1)
«Le président Poutine est tout, sauf un imbécile, poursuit le général Dominique Delawarde. C’est du moins ce qu’en disent tous ceux, politiques ou journalistes occidentaux, qui l’ont rencontré. Ce président est aujourd’hui fortement occupé par une série de défis ou de crises à résoudre de portée mondiale: la crise ukrainienne, la crise syrienne, la crise nord-coréenne, la crise de l’accord nucléaire iranien, l’élection présidentielle russe. Est-il seulement envisageable que cet homme très occupé décide, d’éliminer un ex-espion qu’il a lui-même libéré en 2010 et qui ne représente plus aucune menace pour la Russie depuis bien longtemps? et pourquoi choisir ce moment? Ma réponse est non: cette hypothèse n’a pas une once de crédibilité et décrédibilise même complètement ceux qui la privilégient et qui nous prennent pour des imbéciles. (politiques et médias) (…) La piste russe ne tient pas la route: pas de mobile, mauvais choix de date, très mauvaise exécution du «travail»…(1)
«Quel commanditaire étatique pourrait, aujourd’hui, avoir des raisons d’en vouloir à la Russie et la capacité d’agir tant sur le terrain, que sur les sphères politiques et médiatiques britanniques pour obtenir les résultats que nous observons aujourd’hui?Le premier est incontestablement Israël: Les multiples visites de Netanyahu à Poutine pour le convaincre de lâcher l’Iran et la Syrie n’ont jamais réussi à faire fléchir ce dernier. Il conviendrait donc d’agir et d’accroître la pression sur lui pour le contraindre à lâcher du lest. Israël dispose, par le biais d’une diaspora riche et puissante et de nombreux sayanims, d’une influence considérable et d’une capacité d’action dans le monde entier, mais plus particulièrement aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France, pays dans lesquels il contrôle les médias les plus influents, la politique étrangère et même, à un certain degré, les chefs d’Etat. On ne peut pas exclure une piste israélienne. (…) Les Etats-Unis ont, eux aussi, d’excellentes raisons d’en vouloir à la Russie et les capacités d’agir. (…) La «perfide» Albion, surnom fort bien porté par le Royaume-Uni, compte tenu du nombre de coups tordus qu’elle a pu monter dans l’histoire, ne manque pas, elle aussi, de mobiles pour avoir conçu et exécuté un tel montage sur son territoire. (…)Les services de Théresa May pourraient avoir agi comme poisson pilote des USA ou plus directement d’Israël. (…)» (1)
Quel serait le commanditaire?
Poutine n’aurait jamais fait cela car il aurait brisé une énorme règle du jeu d’espionnage s’il était derrière l’empoisonnement de l’ex-agent Serguei Skripal. Comme l’écrit Jake Kanter:
«Les contrats d’échange d’espionnage entre les Russes et les Occidentaux garantissent généralement la sécurité des agents impliqués. Mais si la preuve conduit à Moscou, Poutine mettra en péril un pacte d’espionnage avec l’Occident qui remonte au plus fort de la Guerre froide. Skripal faisait partie d’un ambitieux accord d’échange d’espionnage avec les Etats-Unis en 2010, lorsque quatre agents russes qui avaient trahi leur pays ont été libérés par le Kremlin en échange de 10 espions russes aux Etats-Unis. (…) Le professeur Anthony Glees, directeur du Centre d’études sur la sécurité et le renseignement à l’Université de Buckingham, a ajouté que les Russes prenaient des échanges d’espions «très au sérieux» parce qu’ils craignaient que «personne ne les échangera à nouveau». Il a dit que si la Russie avait vraiment voulu tuer Skripal, elle aurait pu l’exécuter en prison.» (2)
La piste anglaise
Jusqu’à présent, on ne sait toujours rien du produit, la Russie a demandé en vain une réunion de l’Oranisation Internationale contre les Armes Chimiques, c’est la sourde oreille occidentale. Selon le site WhatDoesItMean, l’agent double russe Serguei Skripal et sa fille ont été assassinés par le MI6 parce qu’il voulait racheter son retour en Russie, contre la fourniture à la Russie de documents en sa possession, prouvant que le dossier de la fausse collusion «Trump-Russie» ou «RussiaGate» a été complètement monté par le MI6. Dans notre article : «La GB utilise un empoisonnement sous faux drapeau pour en accuser la Russie» (…) Les États-Unis et le Royaume-Uni savent donc comment le fabriquer. Comme par hasard, le laboratoire d’armes chimiques de l’armée britannique de Porton Down, est à seulement 8 miles de Salisbury où les Skripals auraient été empoisonnés.» (3)
«(…) La Russie, déjà sous sanction, s’organisera toujours un peu plus, à l’écart de l’Union européenne avec les pays, toujours plus nombreux, qui lui font confiance. L’Union européenne se tirera, une fois de plus, une balle dans le pied, en perdant tout ou partie de ses positions dans un pays aux grandes potentialités, à la plus grande satisfaction de nos amis américains qui continueront, sans vergogne, à nous imposer l’extraterritorialité de leur législation. (…)» (1)
Salisbury sera-t-il le nouveau Sarajevo?
Sommes-nous dans une atmosphère de bruit de bottes? L’affaire Skripal sera-t-elle considérée par les historiens comme la cause principale de la 3-ème guerre mondiale? On peut le craindre au vu des réactions hystériques des pays occidentaux contre la Russie. Dans un premier temps, la Grande-Bretagne expulse 40 diplomates russes. Dans un second temps, au nom d’on ne sait quelle «solidarité», 14 pays européens, France en tête, expulsent également des diplomates russes. En se basant sur la bonne parole britannique. Au nom de la même «solidarité», les Etats-Unis eux ne lésinent pas en expulsant 60 diplomates russes! La réponse de la Russie à ces expulsions ne se fait pas attendre: Elle expulse 40 diplomates anglais et va en expulser des Français, Polonais, Lituaniens, etc, et Américains. Jusque-là, on peut considérer qu’on est dans une situation classique. (…) Mais la suite annoncée sort complètement du cadre habituel des «tensions politiques»: La Première Guerre mondiale a été déclenchée par l’assassinat d’un homme à Sarajevo, dans un contexte quasi-similaire avec la situation actuelle: Une série de crises, la perte de confiance entre les pays, un armement considérable de tous les côtés et un bourrage de crane des citoyens de tous les pays «contre l’ennemi». Alors que la dirigeante britannique compare la Russie à l’Allemagne nazie, certains appellent à boycotter la Coupe du monde de football à Moscou en juin prochain» (4)
« La haine compulsive des élites occidentales envers le président Poutine surpasse tout ce que l’on a pu voir pendant la Guerre froide. En Syrie, en Ukraine, au Moyen-Orient, au Proche-Orient, en Eurasie; et maintenant cette haine s’est infiltrée jusque dans le Conseil de sécurité, le laissant irrémédiablement polarisé – et paralysé. Cette hostilité s’est également propagée à tous les alliés de la Russie, les contaminant. Ed Curtis nous rappelle l’escalade quasi asymptotique des antagonismes au cours des dernières semaines: «Cela s’est produit alors que les revendications du Russiagate éclataient en morceaux… Dans tous les médias, des grands noms comme le New York Times, CNN, National Public Radio, The Washington Post, The Atlantic et Nation magazine, jusqu’aux publications de gauche comme Mother Jones et Who What Why, (…) En présentant l’ingérence de la Russie dans l’élection présidentielle américaine comme «une attaque contre la démocratie américaine» et donc «un acte de guerre» l’ État profond américain dit implicitement que tout comme l’acte de guerre à Pearl Harbour a entraîné une guerre de représailles contre le Japon, les efforts de la Russie pour subvertir l’Amérique exigent des représailles similaires’. (…) Une guerre par inadvertance est une forte possibilité, bien sûr: Israël et l’Arabie saoudite connaissent tous deux des crises de leadership national. Israël peut aller trop loin, et l’Amérique peut aussi aller trop loin dans son désir de soutenir Israël Téhéran » (4).