Le cirque auquel s'est livré le PM israélien en pleine Conférence de Munich ne trompe personne : En Syrie, Israël vient d’être mis échec et mat. Depuis le 10 février 2018, date à laquelle un escadron de l'armée de l'air israélienne a été pris de court dans le ciel de la Syrie, perdant l'un de ses F-16, Tel-Aviv ne cesse de chercher des coupables.
Aux dernières nouvelles, l'armée de l'air israélienne vient de mettre à la porte, quatre de ses pilotes pour cause de manquement à leur devoir qui « aurait provoqué le crash ». Mais le malaise que traverse en ce moment l'état-major de l'armée israélienne est beaucoup plus profond pour être apaisé par ce genre de manœuvre propagandiste. Le document sur la stratégie militaire israélienne publié en 2015 réclamait la force aérienne du pays comme étant « le seul facteur distinctif » susceptible de peser sur les rapports de forces au Moyen-Orient. Le texte affirmait le « caractère indispensable » pour Israël de son aviation, qualifiée par ailleurs de « garante à la fois de la sécurité territoriale et de la sécurité frontalière » face aux ennemis les plus sérieux d’Israël que sont l’Iran et le Hezbollah.
Et dire que cette priorité a été gagnée au prix de moult combats : après la défaite israélienne de 2006 face au Hezbollah, l’armée de l'air a mis tout son poids dans la balance pour accuser le contingent terrestre d'avoir provoqué une « guerre inutile », guerre qu'Israël a lamentablement perdue. Or, le 10 février, ce dont se jouissait l'armée de l'air israélienne a soudainement disparu. Ce que reflète la presse israélienne des débats houleux qui animent en ce moment les milieux politiques et militaires en Israël n'est que la pointe de l'iceberg : voici les questions qui taraudent tous les esprits et pour lesquelles ni le QG de l’armée israélienne ni son appareil de renseignement n’ont aucune réponse :
Quelle stratégie de défense aérienne sous-tend le crash du F-16 israélien?
Si les S-200 syriens sont à l'origine du crash, qu'en sera-t-il alors des S-300 et des S-400 que Damas a déployés sur son territoire à la faveur du soutien russe?
Mais il y a une question, plus persistante encore, qui revient sans cesse dans la quasi-totalité des analyses : Pourquoi avoir choisi à riposter aux frappes d’Israël à ce stade particulier de la guerre alors que ces frappes datent déjà du début de la guerre en 2011? La réponse relèverait d’un ensemble de raisons à la fois politiques et militaires que les chroniqueurs israéliens ne peuvent ne pas lier à la Russie ou mieux à la guerre féroce que les États-Unis mènent en ce moment contre la Russie et l’axe de la Résistance.
Il y a d’abord ces missiles livrés par les Américains à Ahrar al-Cham qui ont servi aux terroristes pour lancer une vaste offensive le mois dernier contre la base aérienne russe à Hmeimim. L’attaque n’a pas fait de victime, mais a endommagé plusieurs avions de combat russes. Inquiets de n’avoir plus aucun contrôle sur le rythme avec lequel les milices terroristes disparaissent, les Américains ont voulu passer un message au camp d’en face : en l’absence de tout contact avec I’Iran et le Hezbollah, ils ont cherché à stopper la Russie via Ahrar al-Cham.
Il s’est ensuivi alors un second clash, le crash d’un SU-25 russe à l’est d’Idlib, provoqué par des lance-roquettes US livrés aux terroristes d’al-Nosra. Mais les Américains n’en sont pas restés là.
Le troisième événement aura été le raid particulièrement sanglant de l’aviation US contre l’armée syrienne et ses alliés russes et de la Résistance. Des dizaines de forces dites « Wagner » qui opèrent sous le commandement russe auraient péri à l’est de Deir ez-Zor. Le bilan définitif n’est toujours pas connu, mais les chiffres varient entre 5 (sources russes) et 200 (sources occidentales) morts.
À Afrin aussi, la politique américaine a cherché le face-à-face : elle consiste à contrer l’avancée de l’armée syrienne et de ses alliés et à faire en sorte que la Turquie s’y engage militairement, quitte à rendre « ingérable » la situation et à faire échec au processus d’Astana.
La Russie ne pouvait plus attendre : à une Amérique qui faisait faux bond, il fallait une réponse!
La Russie est-elle responsable du crash du F-16 israélien ?
Rien n’est moins sûr . Et pourtant les Russes y seraient pour quelque chose. Face à Israël qui écourtait sans honte les intervalles de ses raids aériens contre la Syrie, prenant invariablement pour cible bases militaires, centres de recherches ou lieux de campement, Moscou a choisi de retirer son veto : il ne s’est plus opposé à ce que l’armée syrienne active ses batteries de missiles antimissiles et ses radars puissants et à s’en servir pour chasser les avions ennemis : « on vous suit du regard. Faites ce que bon vous semble! »
Le F-16 israélien aura été la riposte russe aux États-Unis. Cette riposte n’aurait pas non plus épargné la Turquie, autre allié des Américains, dans la mesure où les armes anti-hélicoptères russes viennent de tomber entre les mains des Kurdes, armes qui auraient vraisemblablement visé ces derniers jours un hélicoptère de combat turc, non loin des frontières avec la Syrie.
Aux dernières nouvelles, Erdogan aurait accepté que l’armée syrienne entre à Afrin pour éviter une escalade des tensions, près d’un mois après le début d’une incursion militaire qui a tout pour ressembler à un enlisement. Le triple coup anti-russe des USA a-t-il servi à Israël ? Vu le détachement américain vis-à-vis de son allié la réponse est mille fois « non » …