Le conflit en Syrie a débuté le 15 mars 2011 par des manifestations pacifiques contre le régime dictatorial de Bachar el-Assad. Mais le "Printemps arabe" syrien n’a jamais fleuri. Violemment réprimé, le soulèvement s’est transformé en lutte armée, et six ans plus tard, le pays est plongé dans l’horreur. Les plans de paix se succèdent, mais rien n’y fait : effroyable, la guerre qui entre dans sa septième année, a déjà fait près de 500 000 morts et 12 millions de déplacés, dans un pays devenu une vaste "salle de torture", selon la Commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie.
En 2012, les rebelles s’emparaient de l’est de la ville d’Alep, deuxième ville du pays, faisant alors trembler le régime du président Bachar el-Assad. Après quatre années de combats, en décembre 2016, l’armée a repris le contrôle total de l’ensemble de la ville syrienne, marquant un tournant dans le conflit. Alep est désormais réunifiée, mais les conditions de vie y restent très difficiles : la priorité des habitants est avant tout de se fournir en eau et en électricité, tandis que le gouvernement a bien du mal à rétablir les services de base.
S’il existe encore des check-points dans la ville d’Alep, les contrôles de sécurité y sont toutefois moins nombreux qu’à Damas ou Lattaquié, et la menace semble éloignée. Le régime de Bachar el-Assad, soutenu par l’Iran et la Russie depuis 2015, a gagné la principale bataille face aux insurgés, soutenus par les pays du Golfe, la Turquie et des pays occidentaux. Autour de Damas, les redditions se sont également multipliées.
Mais le reste du pays reste déchiré par des combats impliquant des belligérants locaux, régionaux et internationaux. Depuis le 10 mars, près de 300 familles de djihadistes ont quitté Raqqa, la "capitale" de Daesh, alors que se prépare l’assaut des Forces démocratiques syriennes (FDS), sur le principal fief de Daesh en Syrie, avec l’appui des Américains.
Les premières discussions sur la Syrie aux Nations-Unies se sont ouvertes en juin 2012. Menées par le secrétaire général d’alors, Kofi Annan, elles avaient abouti à un plan de paix en six points (transition, politique, libération de prisonniers….). Proposée par le Conseil de sécurité de l’ONU, la Turquie, la Ligue arabe et l’Union européenne, l’initiative est restée lettre morte.
En février 2014, un nouveau cycle de négociations, entre l’opposition et le régime, "Genève 2", s’était ouvert, à l’initiative de l’envoyé spécial de l’ONU en Syrie, Lakhdar Brahimi. En vain. Les émissaires des deux parties ayant campé sur leurs positions, le médiateur de l’ONU a démissionné en mai 2014. Le 27 février 2016, une trêve initiée par Washington et Moscou entrait en vigueur en Syrie pour la première fois en cinq ans de guerre, accompagnée d’un nouveau round de négociations, "Genève 3", orchestré par Staffan de Mistura, le successeur de Lakhdar Brahimi. Mais les deux avortent, faute d’accord.
Les pourparlers qui avaient repris fin février 2017 à Genève, pour un quatrième round, étaient aussitôt compromis, les attentats et les bombardements endeuillant à nouveau le pays. Le 25 février, des attentats suicides attribuées au groupe jihadiste Fatah el-Sham faisaient plus de trente morts à Homs (ouest), tandis que la veille, un attentat de Daesh avait fait quatre-vingt-trois victimes à Al-Bab (nord), la ville reprise par la Turquie à Daesh au terme d’un siège de deux mois.
Depuis, alors que les pourparlers menées par l’ONU s’enlisent et que les négociations n’aboutissent pas, la recrudescence des violences laisse entrevoir peu d’espoir pour la suite, l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui a interdit l’entrée de tout Syrien sur le territoire américain, ajoutant une autre incertitude. Les Etats-Unis qui soutiennent en principe les rebelles kurdes, n’ont rien annoncé depuis l’accession du milliardaire à la Maison-Blanche.
Tout récemment, ce samedi 11 mars, un kamikaze s’est exploser, à Damas, la capitale syrienne, tuant 74 personnes, en majorité des pèlerins chiites irakiens, dans l’une des attaques les plus sanglantes qui ont frappé la capitale syrienne en six ans de guerre.
Environ 450 000 personnes ont été tuées et deux millions d’autres blessées. Rami Abdel Rahmane, directeur de l’OSDH
Comme dans toute guerre, il est difficile de faire un décompte exact des victimes du conflit syrien, qu’elles soient civiles ou militaires. "Une chose est sûre, assure l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), en nombre de tués, la guerre de Syrie s’apparente désormais à celui de la guerre d’Espagne (1936–1939)".
En six ans de guerre civile, "environ 450 000 personnes ont été tuées et deux millions d’autres blessées" en Syrie, selon le bilan de l’organisation proche de l’opposition modérée et basée à Londres. Si ces chiffres restent des évaluations, l’OSDH est parvenu à documenter la mort de 321 001 personnes entre le 18 mars 2011 et le 13 décembre 2016. Pour la majorité d’entre elles, non pas des civils, mais bien des combattants des différents camps en présence.
Dans les rangs d’Assad, l’OSDH compte 60 900 soldats du régime morts dans les combats, 45 000 miliciens syriens et plus de 8 000 combattants étrangers. De l’autre côté, près de 55 000 rebelles et autant de djihadistes, la plupart appartenant à Daesh ou au Front Fateh al-Cham, ex-Al-Qaïda en Syrie, ont succombé. Ce nouveau bilan est en hausse de 9 000 victimes depuis décembre 2016 qui a vu l’instauration d’un fragile cessez-le-feu.
L’ONG évalue à 96 000 le nombre de civils tués dans le conflit, dont 17 000 enfants et 10 540 femmes adultes.
Emprisonnés et morts sous la torture
Le 7 février 2017, Amnesty International accusait le régime syrien d’avoir pendu quelque 13 000 personnes en cinq ans dans une prison gouvernementale près de Damas, dénonçant une "politique d’extermination". Ces pendaisons s’ajoutent aux 17 700 personnes tuées dans les geôles du régime, déjà décomptées par l’organisation. Intitulé "Abattoir humain : pendaisons et extermination de masse à la prison de Saydnaya", le rapport de l’ONG, qualifié de "totalement faux" par le régime syrien, se base sur des entretiens avec 84 témoins, parmi lesquels des gardiens, des détenus et des juges.
Selon l’OSDH, au moins 60 000 personnes sont mortes en six ans sous la torture et dans les terribles prisons syriennes et plusieurs milliers ont péri dans les prisons de groupes rebelles et jihadistes.
"Les graves violations contre les enfants en Syrie ont atteint un niveau record en 2016", écrit le triste bilan publié par l’UNICEF, le 6 mars 2017. Après six ans d’une guerre qui a tué 17 000 enfants, près de 6 millions d’entre euxdépendent maintenant de l’aide humanitaire, un chiffre multiplié par douze depuis 2012. Les enfants les plus vulnérables sont les 2,8 millions qui vivent dans les zones du pays difficiles d’accès, notamment les 280 000 enfants vivant en zone assiégée, pratiquement coupés de l’aide humanitaire."Des millions d’enfants sont déplacés, certains jusqu’à sept fois", précise l’agence onusienne.Plus de 2,3 millions d’enfants sont aujourd’hui réfugiés en Turquie, au Liban, en Jordanie, en Égypte et en Irak.
Plus de 850 enfants ont également été recrutés en 2016 pour combattre dans le conflit, soit plus du double du nombre enregistré en 2015. Certains sont utilisés pour se battre sur les lignes de front, mais aussi, dans des cas extrêmes, pour jouer le rôle de bourreaux, kamikazes ou gardiens de prisons.
Au-delà des bombes, des balles et des explosions, des enfants meurent en silence de maladies qui pourraient être facilement évitées. L’Unicef
Enfin, l’année dernière, au moins 652 enfants ont été tués, dont 255 dans ou à proximité d’une école. Un chiffre en augmentation de 20 % depuis 2015, "ce qui fait de 2016 la pire année pour les enfants de Syrie, depuis 2014, lorsque la vérification formelle des incidents contre les enfants a débuté", écrit l’UNICEF.
L’accès aux soins médicaux, à des produits essentiels et aux services élémentaires demeure compliqué dans plusieurs zones de Syrie, où l’agence onusienne a compté au moins 338 attaques en 2016 contre des hôpitaux et du personnel médical. Ces difficultés empêchent de fournir rapidement une assistance humanitaire aux plus vulnérables d’entre eux. Selon la Croix Rouge et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 50% de hôpitaux ont été détruits ou sont endommagés par les combats. La moitié des médecins ont quitté le pays où l’espérance de vie a chuté de 70 ans en 2010, à 55 ans en 2015.
C’est la plus grande population de réfugiés pour un seul conflit en une génération. Le HCR
L’Observatoire syrien des droits de l’homme avance également le chiffre d’au moins 12 millions de personnes ayant dû quitter leur foyer. Une estimation qui rejoint celle du Haut commissariat de l’Onu pour les réfugiés (HCR), selon laquelle, en six ans, plus de la moitié des Syriens (le pays compte quelque 23 millions d’habitants) ont fui les combats et les exactions des différentes parties et ont été déplacés, essentiellement à l’intérieur du pays (7,3 millions).
Selon l’agence onusienne (février 2017), 4,9 millions de Syriens ont quitté leur pays, pour chercher refuge à l’étranger, surtout dans les pays limitrophes. La Turquie, principale terre d’asile pour ces migrants, en accueille près de 2,9 millions. Au Liban, le HCR recense quelque 1,5 million de réfugiés pour une population de 4,5 millions d’habitants.
Plus de 10 000 réfugiés accueillis par la France
La Jordanie, l’Irak, et l’Egypte sont d’autres terres d’accueil pour les exilés politiques syriens, de plus en plus nombreux aussi à vouloir se rendre en Europe, au péril de leur vie. Pour sa part, l’Hexagone a promis d’accueillir 30 000 réfugiés. Selon le rapport publié en février 2016 par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), depuis 2011, plus de 10 000 Syriens ont obtenu le statut de réfugié ou bénéficié de la protection subsidiaire en France, soit 1,51 pour 10 000 habitants. Un chiffre dérisoire au regard de l’ampleur de la crise migratoire : plus de 1 million de demandes d’asile avaient été enregistrées en Allemagne pour la seule année 2015.
90% des réfugiés syriens vivent sous le seuil de pauvreté. Dans certains pays comme le Liban, prêts à tout pour rembourser leurs dettes, ils deviennent parfois les victimes des trafics les plus inhumains.